Enfin un bon film en cette période où il faut bien le dire à part quelques blockbusters potables, il n’a pas grand-chose à se mettre sous la dent !
Un nouveau Ken Loach est toujours un événement en soi que ses nombreux fans attendent avec impatience. notamment pour son récit social, de lutte des classes, souvent poétique, toujours engagé et parfois violent.
Ici, on retrouve les thèmes chers à Loach mais avec plus de grâce et moins de fougue donc ses fans inconditionnels peuvent être déçus. Surtout que la rumeur court qu’il pourrait bien s’agir de son dernier film.
C’est l’histoire de Jimmy Gralton qui rentre dans son Irlande natale pour aider sa mère à exploiter la ferme familiale dix ans après son départ pour les USA au moment de la guerre civile irlandaise. Un nouveau gouvernement est au pouvoir. Jimmy après avoir dans un premier temps refusé de rouvrir une ancienne salle polyvalente dont il est propriétaire the « hall » pour ne veut pas ranimer la haine de ses anciens ennemis, (notamment l’Eglise et les propriétaires terriens) finit par céder à la demande des jeunes du Comté. Ce « Hall » accueille gratuitement tous ceux désireux de danser, étudier ou débattre ensemble. Les voisins se mobilisent pour restaurer les lieux et l’endroit renoue rapidement avec le succès. Cependant, l’influence grandissante de Jimmy et ses idées progressistes et communistes ne sont pas du goût de tous notamment du père Sheridan et des extrémistes de l’IRA.
Ce qui est intéressant avec ce film c’est que sous ses dehors de film simple, il est très travaillé au niveau de sa mise en scène qui est pleine de poésie et de grâce alors que le film traite principalement d’un conflit.
Par exemple, il y a un vrai travail sur la lumière; les faisceaux bleus qui traversent la salle de danse, pièce centrale du film notamment pour illustrer l’amour du personnage pour sa salle de danse lorsqu’il la retrouve ou pour Oonagh, son amoureuse de toujours.
Un travail également sur l’étalonnage c’est-à-dire la colorisation de l’image; tantôt jaune et chaude lors des fêtes dansantes dans le fameux « hall » ou bleutés dans les scènes intimes avec Oonagh ou à dominante froide et blanche lors des scènes dramatiques.
Au-delà des aspects techniques, Ken Loach a également su tirer parti des paysages verdoyants de l’Irlande qui donnent sérieusement envie d’aller y faire un tour.
Au niveau du montage maintenant, Ken Loach aime couper une scène d’allégresse avec une scène plus dramatique ou pessimiste notamment avec l’intervention du prêtre Sheridan qui rend les scènes tantôt surprenantes ou amusantes. Une maîtrise du montage donc où l’on voit le talent de Ken Loach et son regard parfois au second degré sur ses personnages.
En parlant d’eux, ils sont haut en couleurs, chaleureux, ils restent dans un certain archétype: le héros, la femme inaccessible, le « méchant » mais toujours avec une pointe d’autodérision, d’originalité qui les rendent plus « humains ».
Le casting est génial. Barry Ward d’abord, d’une classe folle et d’un charisme qui crève l’écran (Jimmy Gralton), Simone Kirby (Oonagh) et Jim Norton (Prêtre Sheridan) sont parfait dans leurs rôles respectifs. Mention spéciale pour l’actrice qui interprète la mère de Jimmy.
Le film met en avant la culture irlandaise, la musique (et le jazz américain), les chants a cappella, la langue gaélique, les ecrits de Yeats qui donnent un supplément d’âme au film. On a juste envie de voir la vie de ces gens défiler devant nous, faire partie de leur bande.
Enfin c’est un film humaniste, un « feel good movie » alors qu’il retrace la vie du seul irlandais s’étant fait déporter de son pays sans procès. Le film s’éloigne des clichés « ouvriers gentils » / « membres du clergé méchants » et se concentre sur les valeurs humanistes que défendent les membres du Jimmy’s hall: pouvoir apprendre, danser, chanter, bref s’amuser et vivre. Comme Jimmy dit très justement au père Sheridan la vie est assez dure pourquoi vouloir les priver de quelque chose qui est bon pour tout le monde?
C’est intéressant comment un dancehall peut représenter l’histoire de l’Irlande entière et du contexte dans laquelle elle se trouvait dans les années 1930 c’est-à-dire 10 ans après la guerre civile. Et c’est affolant de constater que pour quelque chose d’aussi « inoffensif » qu’un dance hall, quelqu’un puisse se faire déporter de son propre pays et ce, sans procès!
La dernière image de film, très symbolique également nous prouve que Ken Loach n’a pas baissé les armes, il a juste plus d’amour que de haine dans son cœur de cinéaste…
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