Nuit sombre – Los Angeles: un générique très graphique plante le décor et l’ambiance du film.
Avec une lumière chaude presque sépia, et un bleu intense, le contraste des couleurs nous replonge dans l’univers de Drive. Celle d’une ville endormie dans laquelle le personnage, jeune trentenaire, en devient le maître le soleil couché.
Drive et Night Call (rien à voir avec le titre de Kavinsky) se retrouvent dans le traitement d’un personnage difficilement sociable et condamné à vivre seul (les deux films ont été fait par les mêmes producteurs « Bold Films »). Une histoire dépeinte à travers un esthétisme visuel et une photographie d’ambiance.
Au fil de l’histoire, on s’approprie cette vie nocturne et se sent de plus en plus à l’aise dans un Los Angeles pourtant violent. En effet, Lou Bloom (jake Gyllenhaal) est déterminé et est persuadé d’avoir trouver sa voie dans le reportage de fait divers/ drame façon « paparazzi ».
C’est là que toute l’intrigue devient intéressante.
Bercé par l’ambiance et convaincu par la détermination sans faille de Lou, on se prend facilement au jeu. On se laisse entraîner dans la folle course aux images « chocs « et aux sujets brûlants. Mais quel jeu! celui qui repousse toutes les limites et pose de sérieuses questions éthiques.
Et pour faire passer la pilule, Lou Bloom a rodé son discours, celui qui pourra faire accepter l’inacceptable. Sous ses airs de grands prédicateurs de l’optimisme, Lou manie les concepts de management avec brio et sait comment intéresser sa cible. C’est comme si Steve Jobs nous démontrait par A+B que filmer quelqu’un à l’agonie était synonyme de progrès et d’avenir. Les arguments sont là mais le contexte reste scandaleux.
L’intime, la pudeur et la réserve n’ont plus leur place dans ce monde des Medias qui en veulent toujours plus.
Après ces frontières franchies, l’honneur, l’honnêteté et l’humilité se perdent aussi au fil de l’ascension du personnage.
Et la est le twist assez génial; c’est qu’après avoir enduré ce voyage dans ce que les média ont de pire à offrir qu’on s’attend à la chute. Tony Montana, Gordon Gekko (« Wall Street »), Jordan Belford (« Le Loup de Wall Street ») etc.. Leur ascension au sommet par des moyens les plus malhonnêtes est d’autant plus acceptable et regardable que s’en suivra leur chute. Le scénario du film reprend la main et montre qu’il faut subir les conséquences de tels actes. Le modèle moral est sauf.
Mais dans ce film on est loin d’une fin « attendue » et d’une moralité « restaurée ».
Lou est ce qu’il est, l’avoue, l’affirme et l’assume et si vous n’arrivez pas à accepter cette réalité et que vous vous associez à ses méfaits en connaissance de cause alors c’est vous qui êtes coupables!
C’est cette sensation assez terrible et fascinante qui m’a vraiment marqué.
Un film qui ne vous laisse pas de marbre et cela grâce à Jake Gyllenhaal. Sa transformation est vraiment frappante. Il incarne ce personnage si observateur et limite sociopathe que c’est intrigant et impressionnant. Jamais dans la caricature, sa gestuelle, son sourire, son regard, tout est imprégné de ce personnage inquiétant. Prêt à tout, charismatique malgré son apparence négligée, qui s’en sortira toujours.
Un jeune acteur mais décidément très à l’aise lorsque qu’il s’agit de jouer de multiples personnalités (rappelez vous dans Enemy lorsqu’il joue son double).
Un acteur à suivre de très très près qui fait un sans faute dans ses choix de film!