Pattaya de Franck Gastambide

29 février 2016 Damien Cubi

Cette suite plus ou moins avouée des Kaïras réserve quelques bonnes répliques mais ne surprend plus.

La transposition d’une série télévisée au long métrage de cinéma est déjà un exercice très compliqué. Que dire alors de l’adaptation d’un programme court ! Demandez donc aux fans de Camera Café ce qu’ils pensent des deux adaptations ciné… En revanche, les fans des Kaïras et beaucoup d’autres (dont moi) avaient été plus qu’agréablement surpris par la version ciné sortie en 2012. C’est donc avec beaucoup d’espoir que j’attendais Pattaya. Mais ce qui était original à l’époque ne l’est plus forcément 4 ans après.

Côté scénario, ce sera rapide. 2 potes d’enfance, Franky (Franck Gastambide) et Krimo (Malik Benthalha) rêvent de quitter leur cité pour aller à Pattaya rejoindre Reaz (Ramzy Bedia) le cousin de Krimo qui décrit la ville comme le « paradis des Kaïras ». Pour voyager gratuitement, ils ont l’idée d’inscrire le nain de leur quartier à un concours de boxe thaï sur place.

Les 20 premières minutes du film s’inscrivent dans le prolongement « des Kaïras ». On retrouve la même cité et peu ou prou les mêmes personnages. Pourtant dès les premières répliques, l’impression que quelque chose a changé se fait ressentir. L’effet de surprise n’est plus là, les répliques fusent moins vite et sont surtout beaucoup moins efficaces.

Pour moi, il y a plusieurs explications. En premier lieu, Malik Bentalha n’est pas Medi Sadoun (membre des Kaïras). Pour son deuxième grand rôle au cinéma (après Robin des Bois), il souffre du syndrome de l’humoriste/« stand-upeur » qui donne l’impression d’être toujours sur le même registre qu’il soit en spectacle, au cinéma ou en promotion à la télévision. A ce titre, il aurait mieux fait de s’inspirer de Jamel Debbouze qui l’a lancé plutôt que de Gad Elmaleh, au casting également.

A ce sujet, j’attends toujours un grand rôle au cinéma pour celui que je considère comme THE humoriste des années 2000. Là ou des génies de la répartie et de l’impro comme Jamel ou récemment Kheiron (Nous Trois ou rien) ont réussi à proposer autre chose, Gad Elmaleh, lui n’y arrive pas. Alors oui, son personnage a un look surprenant, la relation avec sa femme naine dominatrice est amusante (bien que sous exploitée) mais il suffit d’allumer la télévision et particulièrement D8 pour l’entendre faire les mêmes vannes avec le même accent marocain prononcé.

En effet, depuis quelques années, on ne compte plus le nombre d’humoristes issus du stand up qui ont envahi internet et les émissions de télévision. L’humour basé sur la vanne et le charriage est devenu la norme et ne surprend donc plus vraiment. En réalité Pattaya semble être conçu pour les 15-25 ans, élevé par Youtube et la télévision réalité. La présentation des personnages, au début du film sous forme de vidéos en streaming, de pastiches d’émissions télé et sms affichés sur l’écran donne le ton. On y aperçoit d’ailleurs à cette occasion Cyril Hanouna dont la chaine D8 est productrice du film. La boucle est bouclée.

Il n’en reste pas moins qu’on ne s’ennuie pas devant ce film. S’il reste moins barré que Very Bad Trip 2 auquel il fait furieusement penser, c’est avant tout parce que les budgets sont incomparables. Le cahier des charges est rempli pour les amateurs de situations déjantées et de blagues scatologiques, sur les nains ou encore les transsexuels.

Franck Gastambide a sans aucun doute du talent. Celui qui est entré dans le monde du cinéma en tant que dresseur de chiens sur les Rivieres Pourpres a déjà deux films à son actif avec la triple casquette réalisateur-scénariste-acteur principal à même pas 40 ans. J’espère véritablement qu’il se mettra en danger dans ses futurs projets et quittera sa zone de confort qui est aussi là où tout a commencé : la cité.
Pattaya n’est pas taillé pour tout le monde. Les spectateurs très premier degré ou adepte de la finesse dans l’humour risquent de ne pas passer le premier quart d’heure. Pour les autres, il reste quelques bonnes répliques, des apparitions en forme de clins d’œil et des kebabs.