Christopher Nolan et la Thématique du Temps

Christopher Nolan et la Thématique du Temps
7 février 2015 Laura Kressmann

 

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Le Temps comme Révélateur de la Réalité

D’abord le réalisateur établit des règles claires : si on essaye de distordre le temps, alors il faut s’attendre à des conséquences directes sur la réalité. Mais avec Nolan, on peut facilement croire qu’il existe plusieurs réalités.

A chacun son interprétation, mais j’aime à croire que dans les films de Nolan, il y a une seule réalité mais c’est avec le temps qui passe que notre vision de cette dernière évolue. La réalité,  plus comprise comme une vérité factuelle, que l’on approcherait différemment au fil de notre vie. Selon notre vécu, nos doutes et nos certitudes à un moment T, nous envisageons une réalité d’une certaine manière qui sera différente en T+1.

C’est principalement sur cet aspect que joue le réalisateur comme principal mécanisme de ses intrigues. En effet, cette hypothèse est propice au montage non linéaire, signature du style de Nolan, avec de nombreux flashbacks ou un ordre non chronologique des évènements. Par exemple, avec Following , on commence par la fin, l’ordre chronologique est complètement bouleversé, avec dans le développement des flash d’images utilisées comme des transitions, mais qui ne prennent tout leur sens qu’une fois qu’elles sont mises dans leur contexte au fil du film. Malgré tous les éléments devant nous, ce n’est qu’à la fin que tout prend son sens. Tous les indices sont présents dès les premières scènes, mais il faut avoir fait tout le cheminement pour voir la vérité. Il faut laisser le temps opérer, le tour de magie nous emporter pour que cela fasse son effet. 

Avant de pouvoir se ré-approprier la réalité qu’ils rejetaient, les personnages de Nolan doivent la transformer, prendre le temps de l’altérer par tous les moyens en passant par l’amnésie profonde, les abysses des rêves ou un trou noir. Mais n’oublions pas le spectateur qui reste le premier à expérimenter ce mécanisme. Dans le Prestige, on ne sait rien du tour de magie de Robert (Hugh Jackman), pourtant il y a un tour. Comme dirait Socrate à ce stade « la seule chose que l’on sait, c’est qu’on ne sait pas » avec Nolan il faudrait rajouter: « la seule que l’on sait, c’est qu’on ne sait pas encore ».  Ce n’est qu’après les 2 heures de film que l’on peut comprendre, que le voile est levé.

Donc le temps apporte quelques réponses, mais la force des films de Christopher Nolan, c’est qu’ils laissent plus de questions que de réponses. A force de distordre, bouleverser, revenir en arrière: est-ce qu’il nous reste des certitudes? Tout devient relatif? Tout est question de perception, non? Alors que le temps était une référence, presque immuable, comme fil conducteur des intrigues des films, c’est en fait une grande porte ouverte à plusieurs perceptions et plusieurs interprétations. En effet, jouant avec tout ce que suggère la temporalité, Christopher Nolan arrive à proposer à travers ses films un voyage sensoriel fort que ce soit pour ses personnages mais aussi pour les spectateurs. Embarqués dans une histoire où les certitudes rationnelles ne sont plus – situations temporelles originales, perception du temps qui s’écoule altérée, nouvelle possibilité de se réaliser – nous pouvons seulement nous fier à nos sens, nos émotions, ce qui nous estimons pouvoir faire sens. Dès lors, l’expérience d’un film de Nolan, devient assez unique et très personnelle. Chacun s’approprie sa réalité et comprendra alors sa propre vérité. Se retrouver dans une telle situation peut s’avérer assez perturbant, car nous ne fiant qu’à nous même, comment être certains d’avoir la même interprétation que celle du réalisateur? Est-ce que j’ai bien compris là où voulait en venir le réalisateur? Est-ce que j’ai bien interprété les indices à la fin du film?

Petite dédicace à tous ceux qui m’ont dit n’avoir pas compris un film de Nolan «j ‘ai décroché, surtout à la fin, il est dans un rêve ou pas? on sait pas en fait? Comme vu précédemment, là n’est pas la question, et ce serait volontaire de la part de Christopher Nolan (comme il l’explique lors de l’avant-première d’Interstellar voir ici). Ce qui importe, c’est notre propre interprétation, nos questionnements, comment s’est interposé l’introspection des personnages sur nos propres certitudes.inception-visuel-secondaire-1

Le réalisateur donne des pistes, mais c’est au spectateur de choisir si la toupie tourne encore ou pas ou si Cooper va retrouver le Docteur Brand. Cette sensation d’inachevé pour certains n’est en fait que le prolongement d’un mécanisme mis en place dès le début des films de Nolan grâce à la notion de temps. La boucle n’est pas bouclée, en sortant de la salle, vous êtes encore interpellés, emmenant avec vous toutes les questions posées dans le film. C’est comme si le film perdurait à travers les spectateurs, qu’il en devient presque “immortel”, sans fin.

Conclusion

Le temps est donc une thématique qui soulève d’autres sous-thèmes tous liés. Ils posent de nombreuses questions ce qui donne la richesse des scénarios complexes du réalisateur. Mais est-ce que le temps est le résultat de l’équation? Toute cette « mathématique » n’est peut être pas la vraie réponse.  La vie est une longue accumulation de questionnements, où l’on tombe pour mieux se relever. Par la magie du cinéma, nous vivons le même périple que les personnages nolanniens. Spectateurs, nous sommes aussi dans ce même processus de questionnement. Nous aussi, nous cherchons les réponses à propos de la toupie, du bulk, du tour de magie de Robert et Alfred. L’émotion prend donc une part essentielle dans l’expérience de Nolan, qui rend notre interprétation des évènements unique.

Comme dirait le docteur Brand, ce qui transcende la notion de temps et l’exceptionnel de notre existence, ce sont peut-être nos relations aux autres et l’amour qu’on leur porte? L’amour comme lien intemporel qui traverse les âges, qui s’adapte à toutes les réalités et va au-delà d’une simple équation? Est-ce que c’est cette donnée qui peut résoudre nos formules quantiques et la part d’inconnu de notre monde/ existence?

Christopher Nolan vient juste de poser la question dans son dernier film, laissons lui le temps d’étayer la réponse dans ses prochains films….

>> Le Temps comme un intrument dramatique

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