Voici un autre film, un biopic, placé parmi les favoris pour la cérémonie des Oscars. « Imitation Game » est le premier film de Morten Tyldum, inspiré de la biographie d’Andrew Hodges « Alan Turing : The Enigma ».
Le film se déroule sur trois périodes différentes (l’adolescence d’Alan Turing au pensionnat, son travail pour le gouvernement britannique à Bletchley Park, et son interrogatoire dans un commissariat) qui s’enchevêtrent les unes les autres afin d’expliquer la vie et la complexité d’esprit du personnage.
La première scène du film nous met directement dans le bain avec une certaine tension dramatique qui nous pousse à nous demander ce qui se passe. Question à laquelle le réalisateur nous répond sur le champ pour une durée de 114 minutes. Le film ne contient pas de longueur, on se surprend même à sourire et rire à des scènes qui, vues de l’intérieur n’ont absolument rien de drôle, mais qui permettent de relâcher la tension que nous subissons dès le départ.Cette tension dramatique ne serait pas présente sans l’excellent travail qu’Alexandre Desplat (nommé cette année à deux reprises pour l’Oscar de la meilleure bande originale) a fait sur la composition de la bande originale. La force d’Alexandre Desplat n’est pas simplement de composer une partition afin d’illustrer une image ou une scène, mais de faire en sorte que la musique fasse partie intégrante de la scène, en s’inspirant des bruits et des sons pris, en les utilisant, les décortiquant, les analysant afin de créer une mélodie qui accompagnera tous les faits et gestes des personnages. La bande originale est aussi actrice que les acteurs eux-mêmes.
Parlons de Benedict Cumberbatch. Il est, à l’évidence, un très bon interprète. Bien qu’il soit assez difficile d’admettre que cet acteur de presque quarante ans puisse interpréter un personnage qui n’en a même pas trente, il arrive tout de même à mettre du flegme et du comique de situation dans des scènes qui sont loin de l’être. On est cependant dans le droit de se demander si le rôle n’a pas été spécialement écrit pour lui (bien que soit un biopic) car le personnage d’Alan Turing ressemble par bien des aspects au personnage qui a mis l’acteur sous le feux des projecteurs : Sherlock.
L’intelligence, l’arrogance, l’incompréhension du comportement des autres, l’asociabilité des personnages et leur capacité à gérer les secrets, les rendent assez similaires. Même si le côté juvénile d’Alan Turing l’empêche cependant de dissimuler toutes ses faiblesses aux yeux de la société là où Sherlock à tendance à penser que la faiblesse ne vient que de la société elle-même… Benedict Cumberbatch mérite néanmoins sa position de favoris pour l’Oscar du meilleur acteur. Le jeu des autres acteurs n’est bien évidemment pas à négliger entre Matthew Goode, Allen Leech et Matthew Beard qui forment dans un premier temps une petite bande réfutant les idées pas si farfelues que ça d’Alan Turing.
Keira Knightley est la touche féminine du film composé uniquement de rôles masculins. Elle est brillante dans le rôle de Joan Clarke, une jeune femme intelligente qui semble être arrivée à Bletchley Park un peu par hasard, mais qui au final est positionnée au même rang que les hommes qui l’entourent. Elle apporte un peu d’humanité dans cet univers où chiffres, codes et algorithme règnent en tout point. Elle est la clé qui fédère ce groupe qui n’était composé que d’électrons libres.
« Imitation Game » est un film excellent, captivant, complexe dans l’interprétation avec un humour étrange, involontaire et pince sans rire. A voir absolument.