Je sais que cet article est plutôt tardif pour un des meilleurs films du mois. Mais voilà, ce n’est pas le genre de film lavage de cerveau, aussi vite vu qu’oublié. Au contraire, c’est le genre de film qui vous reste en tête en sortant de la salle et demande un certain temps de reflexion.
Un thème très actuel…
Traitant de la corruption des Hommes et de la protection de notre monde et son écosystème, c’est un film grand public. Avec une loi dernièrement votée en France sur le statut des animaux dans notre société, le film ne peut pas être plus actuel. Malgré le risque de traiter de tels sujets à travers l’histoire judéo chrétienne, le genre est remis au goût du jour avec prochainement l’arrivée d’Exodus de Ridley Scott. Les propos font tellement écho aux polémiques d’aujourd’hui que la pertinence du film en est frappante. Religion ou pas, on est concerné, on est interpellé.
Entre les géants de pierre, les miracles du Créateur et la tentative de réconciliation entre la théorie créationniste et évolutionniste, on retrouve une réelle justification de l’adaptation au cinéma des récits ancestraux, non pas pour nous faire croire, mais nous interroger. Mondialisation intensive et exploitation des ressources sans limite, c’est le dénouement tragique d’une civilisation qui a perdu ses repères et ses traditions. Une société qui a perdu son idéal humaniste, maintenant abandonnée et vouée à elle-même.
Des sujets qui ne peuvent pas faire l’unanimité. Coupable d’un utopiste culpabilisateur, le film peut mettre mal à l’aise plus d’un. Il vient directement piocher dans notre culture Judéo-chrétienne aux trames tragiques qui mélangent, orgueil, culpabilité, rédemption et espérance. Pour cela, plusieurs scènes explicatives de la théologie de l’Ancien Testament et de la vision du monde du réalisateur apportent une originalité ambitieuse.
L’arbre qui cache la forêt…
Probablement le vrai plus du film, c’est d’avoir choisi de traiter en seconde partie tous les doutes de Noé lorsqu’il est enfermé dans l’arche. Il est vrai que lorsque l’on entend Noé adapté au cinéma, on s’attend au péplum avec comme climax final le déluge comme claque visuelle. Mais ici, le film introduit un huit clos très sombre en seconde partie. Il a pour ambition de creuser la question du libre arbitre, de la transmission d’un patrimoine aux générations futures et de la responsabilité individuelle face à l’intérêt commun. On connait l’attrait du réalisateur Darren Aronofsky, de mettre ses protagonistes rongés par la solitude, dans des situations impossibles et des introspections douloureuses (Black Swan). Quoi de mieux qu’un homme, isolé sur une arche après avoir condamné la civilisation des Hommes jugée coupable au nom du Créateur, pour se poser les questions les plus existentielles?
C’est un vrai tour de force qui donne énormément de matière au film.
Attention toutefois, le huit-clos mainstream peut cacher quelques longueurs. En effet, torturer Noé (comme son public) de dilemmes peut nous faire décrocher pour fuir ce supplice. Pas toujours pour tous les publics!
Mais toutes ces questions restent habillées de scènes d’actions et de plans dignes des plus grands péplums qui nous plongent au coeur de l’intrigue.
Russell au sommet de son art…
Autant le dire tout de suite, je suis une fan inconditionnelle, depuis mes cours de Latin au Lycée (qui ne s’est pas battu pour imposer Gladiator en fin d’année dans le but d’animer ce cours de langue « morte »?) à aujourd’hui, et pour très longtemps j’espère. Ici, Russell Crowe donne une dimension à son jeu tout à fait impressionnante, pertinente et pleine de talent. Le protagoniste protecteur et bienveillant bascule habillement dans le père de famille dévasté par le doute, les remords voire la violence.
Certes de grands pouvoirs supposent de grandes responsabilités. Mais les grandes responsabilités conférées à Noé supposent de grands pouvoirs bien trop importants et dangereux lorsqu’ils sont détenus par un seul homme. Torture gratuite du destin, fatalisme aveuglant, ou volonté de donner un sens à son existence, toutes les pistes sont bonnes à être explorées et ce, grâce à l’interaction avec le reste du casting (même Emma Watson, avec une mention spéciale pour Jennifer Connelly).
Donc est-ce un film à message? un film moralisateur?
Plus un film à questions qu’à réponse. Le twist final lors du dernier échange entre Noé et Ila (Emma Watson) laisse une subtile ouverture et donne ainsi beaucoup de crédit au film. Pas de manichéisme simpliste qui serait très malvenu.
Un film qui vaut la peine d’être vu pour le fond et la forme!
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