Selma d’Ava Duvernay

Selma d’Ava Duvernay
2 avril 2015 Awa Traore

Vignettes-ratings-GLADIATOR-Fr-1000x1000Depuis cinquante ans, aucun studio hollywoodien n’avait osé faire un film sur le pasteur. Malcom X avait eu droit à son biopic réalisé par Spike Lee. Il existe pourtant de nombreux documentaires et reportages à son sujet. Je ne savais pas à quoi m’attendre en voyant toutes ces nominations et prix aux Golden Globes et aux Oscars. Présent dans plusieurs catégories aux oscars cette année, il repartira seulement avec celui de meilleur chanson de l’année avec Glory interprétée par John Legend et Common. Le projet a vu le jour grâce au coup de pouce d’Oprah Winfrey. Elle s’est personnellement investie en produisant et en jouant l’activiste Annie Cooper.

Le sujet touche personnellement la réalisatrice Ava DuVernay, récompensée à Sundance en 2012 par le prix de la meilleure réalisatrice pour “Middle of Nowhere”. Son père vient de Hayneville, une petite ville située entre Selma et Montgomery. Elle réussit à raconter cette histoire avec force et humanité. Que ce soit une femme qui mène à bien ce projet était cruciale, les femmes ont été marginalisées lors du mouvement des droits civiques et ont fait elles aussi beaucoup de sacrifices. On retient la très médiatique Rosa Parks, Angela Davis et on oublie les millions d’autres qui se sont battues dans l’ombre ou ont perdu la vie.MovieGuideMe-Selma-DuVernay

J’ai eu un coup de cœur pour ce film généreux à la réalisation plutôt classique mais très efficace. La profondeur du traitement de l’histoire et des personnages lui donne du relief. La photographie esthétique est parfaite. La réalisatrice a inséré des images d’archives  pour nous rappeler les faits réels : on aperçoit à la dernière marche le chanteur et activiste Harry Belafonte par exemple. On apprécie les magnifiques productions musicales d’époque et actuelles. Le film se passe durant la période de 1963 à 1965.

Attention spoiler : Il commence par l’attentat contre l’église de Birmingham en Alabama où quatre petites filles innocentes trouvent la mort. De belles images au ralenti presque poétiques illustrent le contexte horrible et font place ensuite à une vision de chaos.MovieGuideMeblog-selma-Couple

Le casting fait un sans-faute, les acteurs principaux et les seconds rôles nous saisissent par leur justesse et leur profondeur : le rappeur Common (“American Gangster”, “Happy Feet 2”, “Insaisissables”), la productrice, actrice et propriétaire de la chaîne OWN Oprah Winfrey (“la Couleur pourpre”, “le Majordome”), Cuba Gooding Jr (“Jerry Maguire”, “American Gangster”, “le Majordome”), Lorraine Toussaint (“Middle of Nowhere”, “Orange is a new black”), Tim Roth (“Reservoir Dogs”, “Pulp Ficton”) pour ne citer qu’eux.

David Oleyowo incarne l’homme d’église. Il a joué entre autres dans “Middle of Nowhere”, également réalisé par Ava Duvernay, “le Majordome” et récemment “Interstellar”. En tant qu’acteur anglais, il n’est pas imprégné par la culture et l’histoire américaine. Sa performance est sidérante, l’acteur s’est battu pour avoir le rôle et nous bluffe par son interprétation sincère, sans tomber dans la caricature.

Sa femme, jouée par Carmen Ejogo reste un soutien digne, belle et forte malgré l’adversité et les tromperies. Elle a épousé un homme mais surtout une cause, un combat comme les femmes de Nelson Mandela, de Ghandi et bien d’autres. La comédienne anglaise crève l’écran. Seul, le pasteur n’aurait pas pu  faire évoluer les mentalités, on y voit son entourage : des personnes engagés  qui vont mener le combat à ses côtés.

Ses nombreux ennemis ne lui facilitent pas la tâche comme le président Lyndon Johnson et leurs négociations conflictuelles, Wallace le gouverneur et le shérif Jim Clark et ses policiers qui arrêtent, intimident et lynchent les militants. J. Edgar, patron du FBI qui le déteste et le surveille en permanence : mise sur écoute, appels anonymes pour terroriser sa famille. Il laisse échapper des informations comme ses nombreuses maîtresses pour le décrédibiliser et l’affaiblir. Même dans son propre camp, il devra calmer les tensions avec les étudiants locaux et certains activistes qui veulent répondre par la violence.

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On en apprend plus sur l’homme, ses faiblesses, ses hésitations, sa force et son intelligence. On ne peut avoir que de l’admiration pour cet être humain vulnérable et complexe. Il n’est pas un super-héros et pourtant il a su avec les activistes se transcender et aller au bout de leurs convictions même si la mort est au bout pour certains. On voit ses contemporains comme Malcom X radoucit avant son assassinat, qui essaie de se rapprocher du pasteur. Les deux hommes avaient des différends au sujet des méthodes de lutte commune. Leur histoire est intrinsèquement liée.

Les moments d’émotion semblent justifiés et on ne tombe pas dans le pathos. On se voit vivre et marcher avec les militants. On aimerait hurler ou sauter de son siège pour aider une femme, un homme ou des enfants passés à tabac, crier arrêter de les lyncher ils ne demandent qu’à pouvoir voter et les mêmes droits que leur compatriotes blancs. Ils sont américains et risquent leur vie pour obtenir les mêmes privilèges et avantages. Certaines scènes tristes nous émeuvent ou nous poussent à résister pour ne pas éclater en sanglots. On éprouve aussi de la colère devant autant d’injustice et de comportements inhumains. Un film à voir.

Pour aller plus loin …

– On devine qu’Obama ne serait jamais devenu  président sans le combat de Martin Luther King, de tous ces hommes et ces femmes. « I have a dream » n’a jamais été autant d’actualité.

– Sa femme obtiendra aux Etats-Unis un jour férié à son nom. Aujourd’hui cinquante ans plus tard, la loi reste menacée, par les républicains.

– Ce film ne doit pas nous faire oublier que nos droits ne sont pas acquis et qu’ils sont parfois obtenus dans la douleur et le sang.

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