Ce film est une pure merveille de style, voilà comment on pourrait le résumer en une phrase.
Ce film parle d’un couple de vampires et joue avec les codes du genre. Mais en réalité, il s’agit plutôt d’un film sur deux artistes, très cultivés, qui ont le recul de porter un regard sur l’humanité ou sur les « zombies » comme ils les appellent.
Comme toujours, la musique a une grande importance dans ce nouveau film de Jim Jarmusch et est un des éléments clés du film. Dès le premier plan on comprend donc le vrai sujet de celui-ci : la musique joue pendant que des étoiles tournent à la mesure d’un tourne disque.
La mise en scène est d’ailleurs très intéressante. De nombreux procédés de style sont utilisés comme la superposition d’image qui est souvent présente dans les autres films du réalisateur. La caméra est souvent placée loin des acteurs comme cachée derrière des éléments du décor (tantôt en haut d’un escalier, tantôt derrière un muret) ce qui donne une impression de voler des moments à ces êtres intrigants que sont Adam (Tom Hiddleston) et Eve (Tilda Swinton).
Les acteurs sont d’ailleurs parfaits et d’un charisme fou. Même Mia Wasikowska qui interprète la petite sœur pourrie gâtée Ava et qui vient mettre la pagaille. Ils sont tellement séduisants qu’on a envie de les voir évoluer dans leur vie, on a envie de les observer. Il faut aussi mentionner John Hurt qui interprète Christopher Marlowe (oui lui aussi est un vampire !) dont c’est toujours un bonheur de voir à l’écran.
Il y a de nombreuses références culturelles ; sur la musique bien sûr mais aussi sur la science, sur Hamlet et les œuvres de Marlowe…et ceci fait beaucoup plus subtilement que dans Nymphomaniac sorti récemment. Le film est hors du temps, situé à Detroit dans un décor de film fantôme ou dans les rues décrépies de Tanger. Ces vampires d’un autre temps vivent entre modernité et vieilleries accumulées ; ce sont les placements de produits qui nous ramène à la réalité et nous indique l’époque dans laquelle l’intrigue se déroule (Eve possède un iPhone, Adam et Ava mentionnent You Tube). Le placement de produit sert donc l’histoire mais dérange un tant soit peu quand même en « polluant » quelque peu l’esthétisme impeccable du film.
Le scénario n’est pas d’une originalité folle en soi mais tient sa force surtout dans ces deux personnages principaux. Jim Jarmusch a réussi à créer des vampires cools (cela fait du bien depuis « Twilight ») et à revenir au romantisme qui caractérise tout ce qui touche à la mort en général. Finalement ces vampires sont presque humains, ils ont les mêmes discussions de vieux couples, Adam a des angoisses suicidaires (à trop fréquenter Lord Byron un vieil ami!).
Ces vampires-là ne sont pas dépravés, cruels ou sanguinaires mais plutôt les témoins d’une humanité qui reproduit toujours les mêmes erreurs et qui s’enfonce. A travers leur érudition, leur sagesse, leur vécu et leur non appartenance au genre humain, on peut prendre du recul sur ce que l’humanité est réellement.
Le film est aussi très bien porté par la musique (forcément c’est le thème principal du film), elle est tout simplement géniale. L’ambiance qu’elle apporte au film accouplée avec les plans de Jim Jarmusch donnent une réelle atmosphère poétique, mystique, envoutante.
Alors comme tout film à atmosphère, des longueurs sont à déplorer. C’est là la grande faiblesse du film, il faut adhérer à l’ambiance et même lorsqu’on se laisse embarquer cela manque cruellement de rythme et parfois on s’ennuie presque. Toujours est-il que ce film est d’une poésie rare et qu’on en ressort en se disant que l’on a fait une expérience d’une grande grâce. Finalement, humains comme vampires, un même instinct de survie nous anime, Eve dit « je suis une survivante » et nous pauvres humains nous faisons de même, nous survivons mais avec beaucoup moins de classe…
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