Après “Cartel”, Ridley Scott s’éloigne des gangs pour revenir au Péplum, genre qui a fait son succès. Le réalisateur prend à bras-le-corps le genre du Péplum; avec une interprétation qui lui est propre.
(voir l’avant-première exceptionnelle ici)
En effet, force est de constater que les Péplums sont redevenus à la mode dans le cinéma Hollywoodien, garantie d’un casting musclé et de grosses entrées au Box-Office. Mais ici, rien à voir avec les derniers “Les Immortels” ou “Le Choc des Titans”. On retrouve le gigantisme des décors et les costumes d’époque mais comme Ridley Scott nous a déjà prouvé avec “Gladiator”, ses films vont plus loin et ont de plus grandes ambitions. Ce sont de vrais défis techniques avec des performances d’acteurs marquantes.
Autre comparaison intéressante à faire est celle avec “Noé” de Darren Aronofsky. Autre histoire biblique endossée par Russell Crowe, acteur fétiche du réalisateur, qui s’attache plus à représenter le message religieux avec de nombreux symboles et un discours assez moralisateur tandis qu’ “Exodus:Gods and Kings” reste complètement ancré dans une écriture et une réalisation très réalistes.
En effet, féru d’histoire, Ridley Scott semble avoir attaché énormément d’importance au réalisme de ce film.
Tout d’abord, on retrouve ce souci du réalisme dans sa réalisation:
L’Egypte au temps des pharaons, c’est la garantie des décors grandioses et gigantesques à l’intérieur des palais mais aussi en extérieur dans le désert. Loin du carton-pâte des péplums des années 60 comme Ben-hur et Spartacus, “Exodus” n’en demeure pas moins le légitime héritier. Ambitieux dans ses décors, la plupart ont été entièrement reconstitués afin de ne pas avoir à recourir à la technique des effets spéciaux sur fond vert. Ce choix a permis d’offrir une profondeur de champ à couper le souffle qui justifie complètement l’utilisation de la 3D.
Une vraie réussite donc où chaque plan offre une réelle perspective en ”3 dimensions” comme si il y avait 3 plans en 1.
A noter que la photographie est là aussi assez impressionnante au vu des nombreux détails et de la largeur des décors. Elle propose une qualité d’image et de lumière bien trop rare dans les films en 3D.
Le film est donc très réaliste par son souci du détail. Les costumes, les décors et le travail de l’image font tout l’esthétisme du film.
Dans l’interprétation:
Une grande histoire suppose un grand acteur. Ridley Scott était sûr de son choix et il avait raison. Christian Bale propose une interprétation à la hauteur de son talent. Sa force se retrouve dans son acharnement au travail de préparation de son rôle qui lui permet d’incarner complètement son personnage (pour le rôle Christian Bale a lu 3 fois l’Ancien Testament voir la conférence de presse). Cette préparation pointilleuse se retrouve dans la complexité qu’il donne à son personnage. Son jeu d’acteur donne beaucoup d’intérêt au film.
Christian Bale est donc une évidence avec un rôle à ajouter à son palmarès.
Et dans l’émotion?
Sans aucun doute le travail au niveau de la réalisation et de l’interprétation des acteurs offre un vrai réalisme dans le film mais peut-être au détriment de l’intensité dramatique de l’histoire.
Tout au long du film, une frustration s’installe en tant que spectateur. Celle de se sentir parfois exclu de ce que peut traverser le personnage principal. En effet, Moïse a la lourde responsabilité de libérer le peuple Hébreu, d’être le médiateur pour éviter que ne s’abatte sur les égyptiens le Châtiment divin, et en plus de tout cela, être un bon père de famille. De lourdes responsabilités qui doivent rendre son existence particulièrement pénible et douloureuse. Néanmoins, rien de tout cela ressort dans ce film. Incroyablement solide moralement, pour ne pas dire imperturbable, Moïse trace sa route et nous le suivons assez intrigués sans vraiment partager ce qu’il ressent. C’est comme si Ridley Scott nous demandait d’avoir foi en son personnage sans vraiment y croire.
Le spectateur garde donc un regard très extérieur comme celui de sa femme, perplexe, lorsqu’il lui affirme qu’il a été chargé d’une mission divine ou comme celui de Joshua (Aaron Paul), qui observe Moïse parler seul, dialoguant avec une vision, messager de Dieu.
Donc une certaine distance s’installe entre les personnages et les différents événements. On retrouve une situation chère aux films de Ridley Scott, où l’histoire, la destinée, est plus grande que l’homme qui la réalise. Mais c’est d’autant plus vrai dans ce film, car le plan divin dépasse Moïse voire un peu trop. Ridley Scott montre bien à travers les 10 plaies, la brutalité et la violence du châtiment infligé au peuple égyptien. Mais est-ce qu’il arrive à créer le malaise et la compassion pour les egyptiens ou le doute de Moïse et le désir de liberté pour les esclaves? Pas vraiment, nous restons assez neutres et distants à tout cela comme si le développement était inachevé et demeurait bancal.
On retrouve cela dans le personnage de Ramsès. Ce personnage hésite entre l’homme impulsif mais qui est dans l’empathie envers Moïse, capricieux mais aussi compréhensif et très lucide. La complexité des personnages est intéressante, mais comme il faut traiter tous les éléments historiques dans le detail, il reste moins de temps pour les développer en profondeur. Le spectateur en vient à se poser des questions sur des incohérences ou des situations très bancales.
Un des meilleurs exemples est le personnage de Aaron Paul. On se doute de son fort potentiel dans la place qu’il peut tenir dans l’histoire, mais il reste pourtant très en retrait (pour l’instant: était-ce un subtil teasing pour un deuxième volet?).
Pourquoi est-ce aussi frappant dans ce film? Probablement car le réalisateur n’a pas eu le temps de dire tout ce qu’il voulait dans cette version. A voir, la version director’s cut dont Ridley Scott plaisantait à la conférence de presse qui durerait 4h. Peut-etre que dans cette version, les plans avec Aaron Paul seraient mieux justifiés?
Un réalisme dans le traitement du récit religieux …
Un des aspects qui tenait à coeur au réalisateur était de bien poser le contexte des croyances à cette période.
Beaucoup de religions coexistaient et beaucoup de superstitions dictaient les comportements.
Au début du film, Moïse est représenté de manière assez moderne, par son scepticisme et sa vision éclairée et sage sur la situation en Egypte.
A l’écoute et compatissant, il est surtout un savant stratège et négociateur. Cela lui donne beaucoup de crédit en tant que leader. Le Moïse de Ridley Scott n’est pas exceptionnel par sa foi aveugle à prêcher la bonne parole mais par ses qualités de leader et sa volonté de penser par lui-même. Qualités que le réalisateur met particulièrement en avant dans le film. Perplexe voire sceptique, Moïse ne se gène pas pour remettre en question les décisions de Dieu. En effet, peu de citations directes à la bible sont faites dans ce film. Ce sont les faits historiques qui sont mis en avant. Cela donne une qualité plus universelle au film, plus neutre et donc qui fait plus écho à nos sociétés modernes. Mettre en avant le pragmatisme contre la foi semble être un parti pris du réalisateur pour favoriser là encore, la réalité historique contre le conte biblique.
Allez le voir ne serait-ce que pour vous faire votre propre avis!