« Gone Girl » est le film dont tout le monde parle avec « Mommy » de Xavier Dolan. Comme tout film dont on entend beaucoup parler on peut être lassé avant d’aller le voir. Et la longueur du film peut en décourager plus d’un. Mais ce film vaut vraiment le coup de se retrouver ratatiné au cinéma. Il est très difficile d’en parler précisément de peur de trop en révéler. En effet, c’est un de ces films dont le scénario complexe à la « Prisoners » vous embarque dans une tension et un suspense qui durent presque toute la durée du film. Presque, car celui-ci ne se contente pas de dévoiler le mystère du film (Nick Dunne a t’il tué sa femme ?), il nous montre les conséquences de ce qu’il s’est réellement passé.
Plus qu’un film sur le meurtre / sur les sociopathes, il traite surtout de la manipulation ou comme le titre du livre original « des apparences ». Il bouscule nos clichés sur le couple, l’homme et sa virilité, la femme et sa sexualité ( à travers le personnage de la mariée et celle de la maîtresse), et du « mass média ».
Même si David Fincher a une filmographie assez éclectique, on retrouve des thèmes déjà évoqués dans ses précédents films: le thème du sociopathe (« Zodiac », « Seven ») , la critique de la société bien pensante et la manipulation du spectateur (« Fight Club »). Mais ici, c’est traité de manière différente. On ne traque pas le coupable, le danger change de forme et de personnage. L’humour n’est pas non plus dans la provocation, il est distillé de ça et de la, parfaitement dosé pour nous faire supporter la tension. Et surtout le film arrive à avoir ce côté extrêmement réel tout en montrant des scènes hallucinantes.
La grande force de ce film c’est qu’il est tellement intelligent qu’on est limite content de s’être fait honteusement manipulés.
Manipulés par:
– La direction d’acteurs: tous les personnages sont à un moment lisses, puis attachants puis suspicieux, puis sexy puis effrayants. On se dit qu’il en existe peu comme eux et puis finalement qu l’on en sait rien. Ce film nous semble simple surtout que l’on finit par comprendre les ficelles des films de ce genre. On a tous à un moment donné regarder une série type « les experts ». Mais ici on se fait avoir à tous les coups. Tout est fait pour nous perdre, nous faire ressentir plein d’émotions différentes et nous faire passer 2h30 de tension psychologique.
– La mise en scène elle-même: David Fincher joue avec les flash-backs à la perfection en alternant des faux, des vrais, révélant des éléments à travers différents personnages mais à des moments décalés dans le film. En jouant avec cette temporalité, il nous balade totalement.
Et l’ironie de la chose, c’est qu’on a l’impression d’avoir l’envers du décor en ayant des informations auxquelles les personnages du film n’ont pas accès; les habitants de la ville des Dunne se fient aux apparences, les américains se fient à la télévision, Nick semble tout ignorer, sa sœur veut croire en son frère etc etc. Alors qu’en réalité les choses que l’on croit connaître ne sont pas plus fiables et sont le fruit de nos propres préjugés.
David Fincher maîtrise parfaitement les codes de la narration cinématographique et on en fait les frais pour notre propre plaisir.
Pour finir, un mot sur le jeu d’acteur qui est fou. Sans trop en dire encore une fois, les acteurs d’apparence lisse (la scrupturale Rosamund Pike et le stéréotypé américain sympatique Ben Affleck) mettent ici définitivement fin aux clichés que les gens peuvent porter sur eux en tant qu’acteurs. Le film leur permet d’exprimer tout leur talent sans oublier les seconds rôles : Carrie Coon qui interprète la soeur de Ben Affleck et surtout Neil Patrick Harris (Barney Stinson de « How I met your mother » et accessoirement le prochain présentateur des oscars) qui interprète l’amoureux transi de Amy Dunne.
Bref allez voir « Gone Girl » avant d’être le dernier dindon de la farce.