Cinq ans après « Guy and Madeline on a Park Bench » (élu meilleur film de 2009 par le New York Times), le jeune prodige Damien Chazelle reste dans l’univers du jazz, mais réalise cette fois ce que beaucoup présentent déjà comme « le full metal jacket de la musique ». Il a d’ailleurs reçu le prix du public et du grand jury aux derniers festivals de Sundance et de Deauville. Un film coup de poing tourné en seulement 19 jours, rythmé et ultra efficace qui se focalise sur l’essentiel pour se terminer en montée d’adrénaline explosive.
Sur le papier, une histoire simple et qui donne une légère impression de déjà-vu. Andrew, le jeune apprenti passionné et prêt à tout pour devenir le meilleur batteur de jazz, versus Terence Fletcher, le professeur cruel et perfectionniste qui va le pousser à dépasser ses limites, le tout mêlé à une histoire d’amour et un contexte familial difficile. On attend le déroulement classique, « passage difficile + dépassement de soi + triomphe et happy end ». Sans s’éloigner complètement de ces codes, Whiplash évite de tomber dans le cliché. En réalité, si l’histoire est simple en apparence, c’est le traitement qui apporte la vraie nouveauté: le réalisateur a souhaité présenter son histoire à la manière d’un film de guerre, et le résultat est clairement réussi. Il est dur d’en dire beaucoup plus sans gâcher les surprises scénaristiques, mais attendez vous à de la violence et des larmes, du sang et des instruments cassés, des retournements de situations jouissifs et des cris de rage.
Le point fort évident du film est son casting. Qui sont ces deux acteurs qui crèvent l’écran qu’on a le sentiment de très bien connaître sans pouvoir citer un de leurs rôles marquants? Le jeune et très prometteur Miles Teller était récemment le personnage principal du très moyen Divergente, The Spectacular Now, mais on l’avait aussi aperçu il y a quelques années en second rôle peu utile dans Projet X (moi non plus, je ne m’en souvenais pas) et quelques films n’ayant pas cartonné au box-office. Une carrière qui débute, donc, mais qui pourrait bien être propulsée prochainement, tant cette performance risque de marquer les esprits. Et si vous vous demandez par quel prodige technique les trucages ont été faits pour donner l’impression qu’il joue vraiment, c’est le cas dans la grande majorité des scènes. Ça calme. Miles sera d’ailleurs à l’affiche du prochain film du même réalisateur, La La Land, aux côtés d’Emma Watson.
Son professeur est incarné par le génial J.K Simmons, autre habitué des seconds rôles que l’on a pu voir en boss de la CIA déboussolé dans Burn After Reading , en père compréhensif dans Juno ou encore en rédac-chef fou-furieux dans les Spider Man du début des années 2000 (le meilleur personnage, à mon humble avis).Un choix ambitieux, donc, plaçant deux acteurs presque inconnus aux premières loges, d’autant plus que le film tient littéralement sur leurs épaules, tant les autres personnages sont mis de côté.
On prend quand même un petit coup de vieux en retrouvant Paul Reiser, qui jouait le traître dans Aliens, le retour (désolé pour le spoil, mais si vous n’avez jamais vu ce film vous n’avez rien à faire sur ce site) qui officie ici en père célibataire un peu paumé, et n’apporte pas grand-chose au film.
Concernant la B.O. il faut admettre que, bien qu’appréciant le jazz en général, les morceaux ne risquent pas de se retrouver dans ma playlist. On est dans un genre spécifique et technique qui ne parlera pas forcément à tout le monde, mais qui rythme très bien le film et donne envie de s’intéresser d’avantage à l’importance de la batterie dans ces orchestres un peu barbants pour les néophytes que nous sommes tous (ne niez pas!). C’est tout ce qu’on lui demande.
Alors oui, Whiplash est un film remarquablement interprété, la réalisation prend vraiment le spectateur aux tripes, le rapport entre les deux protagonistes est fascinant, mais qu’en ressort-on au final? Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’après un petit passage un peu mou vers les deux tiers du film pendant lequel je me demandais si tout cela allait vraiment quelque part, j’ai passé le générique scotché sur mon siège avec un sourire béat et cette divine sensation d’adrénaline qui met un peu de temps à redescendre. Peut-être parce que je suis musicien, ou que le thème me parle particulièrement à cause de mon vague parcours artistique… J’attends l’avis de personnes plus distantes avec ces sujets pour savoir si Whiplash est juste mon coup de coeur de l’année ou restera comme un chef d’oeuvre reconnu de tous.