Legend de Brian Helgeland

Legend de Brian Helgeland
7 janvier 2016 Damien Cubi

Une parodie de films de gangsters avec un Tom Hardy caricatural et réalisé par un réalisateur qui devrait se contenter d’être scénariste.

Le film de gangsters est un genre qui a produit des films légendaires. Tout le monde les connaît et il n’est pas utile d’en faire ici une liste qui ne serait peut être pas exhaustive. Il y a certains thèmes récurrents, voire indispensables afin que la mécanique ne s’enraye pas. Le personnage principal est un criminel dur, sans pitié auquel on ne s’identifie pas mais qui provoque un sentiment de peur chez le spectateur. Le contexte social est difficile et permet l’émergence de celui-ci et de son cercle. Celui-ci est organisé de façon hiérarchique et il n’est pas rare que les seconds veuillent occuper le fauteuil de leader. On pourrait en ajouter plusieurs autres.

Le film de gangsters est un genre qui n’a pas produit que des films légendaires. Mais quand celui-ci se prend pour tel, c’est ridicule. Bienvenue dans Legend.

Deux jumeaux, Reggie et Ronnie, célèbres gangsters du Royaume Uni à la tête d’une mafia impitoyable, règnent en maîtres sur Londres dans les années 60.

J’aime beaucoup Tom Hardy, et notamment son rôle dans « Quand vient la nuit ». Son personnage à la fois calme, à la rage intérieure contenue mais toujours au bord de l’explosion me donnait beaucoup d’espoir dans la possibilité de le voir dans un rôle de gangster froid et impitoyable. Alors deux rôles, quel bonheur !

Seulement voilà, c’est ici que réside le premier problème majeur de ce film. Il interprète deux rôles et à trop vouloir marquer la différence de caractère entre les deux frères, il se rend ridicule et son jeu relève plus de la caricature. C’est particulièrement le cas pour le rôle de Ronnie, gay et déficient mental. Il en fait des caisses et la moitié de ses répliques suscite des rires sans que l’on soit persuadé si l’effet est voulu ou non. A partir de ce moment, on comprend que le film va être long et la seule question qui subsiste est : « Mais en fait, ne serait-ce pas une comédie ? ».

Au cinéma, il est assez fréquent qu’un acteur joue plusieurs rôles. Citons de « grandes références » comme Mike Myers qui joue Austin Powers et Docteur Denfer ou mieux Eddy Murphy qui interprête 8 rôles dans le Professeur Foldingue. Le procédé fonctionne sans problème à partir du moment où les personnages ont de grandes différences physiques. Dans Legend, ce n’est pas le cas et la palette de jeu de Tom Hardy est bien trop étroite et peu nuancée pour que cette double interprétation fonctionne. Il lui a été laissé le soin de développer lui même le style et la personnalité des deux frères. Il aurait eu grandement besoin d’un réalisateur solide pour le guider et le remettre dans le chemin de la justesse.

Oui mais voilà Brian Helgeland est un scénariste très respectable (LA Confidential, Mystic River) mais un très mauvais réalisateur (Payback, le Purificateur et à un degré moindre Chevalier). Sa direction d’acteurs est ridicule. En plus du pauvre Tom, il laisse Emily Browning (Frances, la femme de Reggie vue dans Les Ames Vagabondes) concourir au visage le plus inexpressif 2015 en compétition avec Steven Seagal et une poupée Barbie. Elle est la narratrice et est censée être la cause de la chute des frères mais son personnage est sacrifié. Je ne m’étalerai pas sur le reste du casting qui rassemble de bons acteurs british (David Thewlis, Christopher Eccleston) qui ont du se demander ce qu’ils faisaient là.

Trop de responsabilités en même temps pour Brian Helgeland, puisque « le défi technique » qui consiste à faire cohabiter deux personnages joués par un même acteur sur un même plan est trop dur pour lui. Le procédé n’a pourtant pas évolué depuis les années 60 (split screen, avec scène tournée en deux fois). Il semble subir cette contrainte qui lui dicte sa mise en scène et le résultat est médiocre. Il filme beaucoup Tom Hardy en gros plan, comme pour indiquer au spectateur de quel frère il s‘agit, au cas où les mimiques grotesques ne suffiraient pas. Mention spéciale à la scène de la bagarre entre les deux frères, dont la fluidité des mouvements de caméra et le montage rappellent un film des frères Lumière.

Au delà de ça, le scénario est rempli de zones d’ombre. (Comment fonctionne le business des frères ? A quel moment la police enquête ? Quels sont les repères temporels ?). Il n’y a aucun contre poids aux deux frères, aucun conflit solide. La police est ridicule et les membres du gang sortis tout droit d’un dessin animé. L’opposition entre les deux frères aurait pu être un excellent axe de développement du récit mais il aurait fallu un Scorsese au moins et les limites techniques de Helgeland sont bien trop importantes.

Le film est tourné en très grande majorité en décors réels. Ça ne se voit pas, je pensais même que le film avait été tourné en studio sur fonds verts. En revanche, la bande originale qui rappelle le Swinging London de l’époque est très agréable. Cependant, si elle est parfois utilisée à bon escient (dans le music club que possède les deux frères), on croirait parfois être parachutés dans Ocean’s Eleven, ambiance préparation d’un casse.

On a beaucoup reproché à Tom Hardy, sa prestation et son personnage dans Batman. La bonne nouvelle, c’est que maintenant, on va le laisser tranquille avec ça. La mauvaise c’est qu’on risque de lui parler de celle de Legend.

Est-ce #DudeChick ?

Non, non et non.

Au fait  #Dudechick c’est quoi? 

Voir la Bande Annonce

[sixthtype_review post_id= »20922″]

image source: StudioCanal

Expert en films francophones de moins de 3h qui font marcher les neurones mais sans prendre la tête. #Cesars

0 Avis

Laisser une réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.