MAD MAX : Retour sur l’univers barré de GEORGE MILLER

MAD MAX : Retour sur l’univers barré de GEORGE MILLER
23 mai 2015 Laura Kressmann
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Comment en dire beaucoup avec un minimum de dialogue: George Miller ou le souci du détail et le pouvoir de la suggestion

Le pouvoir de la suggestion comme adhésion indirecte à un monde post apocalyptique

Fort de sa mise en scène par l’action, Miller sait aussi plonger son public dans son univers grâce à la suggestion. C’est un moyen particulièrement efficace qui compense parfaitement les dialogues minimalistes. Pas besoin de longues tirades, d’explications ou de flash-back, quand il suffit de regarder tous les indices mis à disposition. Les décors, les costumes et les véhicules des personnages en disent long et rien n’a été choisi au hasard. Obsession ou travail de minutie, c’est ce qui fait le charme du film. En effet, comme chaque élément du décor a été choisi avec réflexion, on obtient une réelle cohérence dans ce chaos. Pourquoi des modèles de voitures des années 80 ont été choisi pour créer des chars de guerre plutôt que les modèles d’aujourd’hui? Parce que dans la logique de Miller, ces modèles sont plus robustes et n’ont pas de programmes numériques intégrés comme les nôtres et ont donc pu mieux résister. Voici le niveau de détails et de cohérence exigé lors de l’écriture du film.5978680.jpg-r_x_600-f_jpg-q_x-xxyxx

Grâce à un travail de plus de 30 ans sur cet univers, il n’y a pas de place au hasard. Ainsi, chaque détail est un indice pour mieux se familiariser avec l’imaginaire de George Miller. Et au vu du nombre de détails présents par image, ce processus est presque inconscient!

le pouvoir de la suggestion pour parler de la violence de notre monde

Quand bien même la mise en scène de Miller en dit beaucoup à travers les détails, elle préfère laisser jouer la suggestion pour évoquer la violence de ce monde. Est-il vraiment utile de faire toute une séquence sur la violence d’une situation, lorsque notre propre imaginaire peut la décupler? Ne pas tout montrer pour susciter plus d’émotions est un choix particulièrement judicieux. D’abord, cela économise des prises lorsqu’on a un petit budget comme le premier Mad Max, mais aussi, cela s’avère particulièrement efficace sur le public. Pourquoi montrer en détails l’horreur, lorsque vous pouvez vous imaginer pire? Ce processus est la garantie d’impliquer émotionnellement le spectateur. Scène emblématique du premier Mad Max, lorsque la femme et le fils de Max sont renversés, on ne voit qu’un jouet et un chaussure de bébé tomber sur le bitume suivi du regard horrifié de Mel Gibson.Still_06b_MelGibson_as_MaxRockatansky__1424881890_90.211.35.223

le pouvoir de la suggestion & l’apparence

De même, Miller utilise la suggestion comme ligne directrice pour le jeu de ses acteurs. Exercice subtil qui demande un casting de talent ! En effet, dans les Mad Max, il y a toujours de nombreux personnages, car il faut représenter la foule, la civilisation à la dérive, et s’apercevoir de ses différentes répercutions sur l’Homme. D’ailleurs, il y a toujours cette idée de bande, de gang, de cité entière en total contraste avec la solitude de Max. En quelques séquences, on parvient à saisir qui est le leader de la bande, quelle est la position de chacun dans cette société de fortune et deviner ce que chaque personnage a vécu avant d’en arriver là. La performance des acteurs est donc cruciale, car pour exprimer tout cela ils ont certes leurs costumes, mais il en faut beaucoup plus. Les War Boys sont impulsifs, kamikazes, naïfs, et sans pitié.

mgid-uma-image-mtvSautant de partout grâce à des perches créées spécialement pour le film, les cascadeurs ( de vrais professionnels: du Cirque du Soleil – Champion de Moto Cross etc…) sont restés ensemble en condition pendant la préparation pour créer cette ambiance de bande complètement sectaire et fanatique. Pareil, les épouses ont été spécialement coachées dans leur façon de marcher, regarder etc… par des spécialistes qui font des études sur les femmes victimes de violences afin de complètement s’imprégner des personnages. Grâce à cet effort de préparation, les acteurs transmettent subtilement des informations sur leurs personnages sans pour autant avoir à réciter de dialogue.

Mad Max: source de la pop culture

On ne l’a peut être pas crié sur tous les toits, mais il y a pas mal de guests dans ce film. Le monde de la musique est bien représenté avec Zoë Kravitz (fille de Lenny) & Riley Keough (petite fille d’Elvis). Ce n’est pas un coup d’essai, car on se rappelle tous du rôle de Aunty Entity interprété par la star Tina Turner! mad-max-thunderdomeÉtonnement, la fusion entre le monde de la musique et du cinéma fonctionne plutôt bien. Intégrer des personnes de notoriété publique dans ces films propose une sorte de pont entre notre actualité et un futurisme post-moderne.

C’est comme si les personnes du showbiz devenaient ambassadeurs de cet imaginaire. Qui s’inspire de qui? Qui sait ? Mais on obtient un environnement qui semble propice à la créativité.

D’ailleurs, la musique joue un rôle particulièrement important. Toujours dans cette logique de cohérence, les thèmes musicaux sont des indices forts à la compréhension de l’univers Mad Maxien. Ils vont permettre d’exprimer la folie, la violence, le désespoir mais aussi laisser place au vacarme des moteurs et des explosions. La musique des films Mad Max, surtout du dernier, est une belle synthèse qui démontre la folie et l’ingéniosité de l’imaginaire de Miller. Avec l’omniprésence du saxophone dans Mad Max: Au-delà du Dôme et du Tonnerre, ou l’association improbable entre le requiem de Verdi et du pure hard rock dans Fury Road, on mélange les genres pour en créer le futur sans rupture avec nos classiques. De plus l’intégration de la musique dans la mise en scène est d’autant plus vraie, puisque les musiciens eux-mêmes sont acteurs dans le film! Il y a Tina Turner et iOTA, le guitariste fou sur un char rempli d’enceintes pour mener les troupes.b055071008f65d1b70343194416083f19e9ece45

Par conséquent, Miller assume que tout cette mise en scène s’inspire du concept de l’Opéra Rock. La place du visuel est indéniable et l’action cherche avant tout à divertir. On donc est face à du grand spectacle; les courses poursuites sont elles mêmes vécues par les personnages comme un épique spectacle dont nous sommes “témoins”. Ce vaste dispositif, permet de “récupérer” (comme les débris de voitures) des éléments de notre propre culture pour les associer à l’imaginaire de Miller. Le réalisateur, “réutilise” des symboles de notre société pour en jouer et les traiter avec ironie. Comme le trio infernal entre les 3 leaders, méchants dans Fury Road avec Immortan Joe, le Mangeur d’Hommes et Bullet Farmer. Ils sont la caricature respective du Religieux ici gourou, du Capitalisme ici corruption, et des Forces Armées ici fanatique écervelé. Ils symbolisent des piliers de notre société, incarnés par des bouffons terrifiants. Immortan Joe, tout de blanc vêtu, est le chef soit disant immortel de la Citadelle, le Mangeur d’Hommes avec se chaînette, gère d’une main de fer les intérêts de PétroVille, et Bullet Farmer avec sa couronne de munitions, fait tourner le Moulin à Balles. Mad Max met donc en scène un univers presque loufoque, complètement original mais qui semble aussi très familier, tout en procurant de réelles émotions: Telle une bonne tragi-comédie.

Une saga qui représente le cinéma australien

Cette atmosphère correspond bien à un thème récurrent dans le cinéma australien. Dernièrement, on a The Rover qui en est largement inspiré avec Guy Pearce, homme solitaire à qui on vole sa voiture, et qui n’aura aucune pitié pour la récupérer à travers le désert. Pareil, on retrouve cette poussière sur les visages avec des contrastes entre le bleu éclatant et le jaune éblouissant. Il est toujours question d’un anti-héros qui a trop souffert par le passé, et qui est hanté par ses démons. Depuis, il fuit tout contact avec les autres de peur de les décevoir ou de ne pas pouvoir les protéger. Mais le destin le rattrape et sa soif naturelle de justice le pousse défendre les faibles contre les tyrans.Movie Guide Me Critique de Film The Rover Robert Pattinson Guy Pearce

Cependant cette thématique va bien au delà du cinéma australien. Certes, on peut parler d’une marque de fabrique, mais l’archétype de l’anti-héros justicier & solitaire résonne dans toute les cultures: entre le samouraï et le cow-boy, il suffit juste d’y ajouter l’univers post-apocalyptique. D’ailleurs il est particulièrement d’actualité! Avec des séries comme Walking Dead, on a la même histoire d’un groupe restreint, sans ressource, qui essaye de survivre au milieu de morts vivants contaminés.

Mad Max Insights Movie Guide Me 2

En bref :

Tous les films correspondent à 1 film, par un univers et une méthode de travail qui sont la signature d’un réalisateur. Le scénario, l’action, l’anti-heros, le post-apocalypse, la suggestion par les détails, c’est l’univers qui structure la vision d’un réalisateur. Cette vision peut se lire différemment à travers les 4 films grâce à une mise en scène qui s’adapte et se réinvente. Elle nous parle des mêmes thèmes et recherche les mêmes émotions,  mais avec une approche adaptée à la culture du moment et aux moyens techniques disponibles.Ni simple suite, ni reboot juste un peu remanié, on est dans une logique de réalisation bien plus aboutie et cohérente qui s’inscrit dans le long terme (plus de 30 ans quand même) et la pop culture.

Par conséquent, chaque film s’adapte à son audience pour proposer à chaque fois une expérience visuelle toujours plus puissante. C’est cette recette qui rend une saga culte, qui s’intègre dans la culture collective, tellement originale par son concept, qu’on ne peut rester indifférent.

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Experte en films de badass et en BONS blockbusters. Le Mainstream a du bon mais pas quand c'est cheap #Oscars

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